Les profs «désobéisseurs» sanctionnés
Parce qu'ils refusent ouvertement d'appliquer les réformes Darcos, une dizaine d'instits ont des pénalités de salaire. La résistance s'organise sur la toile.
Bastien Cazals, directeur d’une école maternelle près de Montpellier, l'a appris aujourd'hui: il perdra huit jours de salaire en décembre pour «refus d’obéir». Comme lui, de plus en plus d’enseignants entrent en résistance contre les réformes Darcos en refusant de les appliquer. Et en le faisant savoir.
Cette «désobéissance pédagogique» utilise tous les canaux de communication. Le 25 novembre, Bastien Cazals adresse une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, relayée largement dans la blogosphère enseignante: «La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration (article 15 de la DDHC de 1789) c'est pourquoi d'un fonctionnaire dévoué je me vois contraint de devenir un fonctionnaire désobéissant !» Il refuse d’appliquer les nouveaux programmes, ou de mettre en place l'aide personnalisée destinée, selon lui, à remplacer l'aide spécialisée du Rased. A la place, il propose d'organiser les projets pédagogiques collectifs.
La sanction ne s'est pas fait attendre. Dès mardi, l’inspecteur de l’académie de Montpellier rappelait que «la loi impose aux professeurs des écoles de faire deux heures de soutien aux élèves en grande difficulté. M. Cazals s’affranchit de cette affaire (…) Il ne fait pas son travail, il n’est pas payé».
Les blogs pour résister
Visiblement ébranlé –ou pour le moins déstabilisé- par cette nouvelle forme de protestation, le ministère de l’Education semble miser sur des sanctions rapides et exemplaires pour éviter la contagion.
Pourtant, quelques clics sur les blogs et autres plateformes de profs suffisent pour comprendre que le mouvement a déjà pris de l’ampleur. Ces «désobéisseurs», comme ils s'appellent eux-mêmes, organisent leur résistance via la toile. D’abord avec ce blog, lancé à l'initiative d'Alain Refalo, enseignant près de Toulouse: «Résistance pédagogique pour l’avenir de l’école» qui propose notamment «un modèle de lettre à adresser à son inspecteur».
Sorte carnet de bord de la mobilisation, la page «soutien aux enseignants désobéisseurs» recense les profs visés par des sanctions disciplinaires. Et appelle à des initiatives locales des parents d'élèves pour soutenir les enseignants (pétitions et autres mobilisations en tout genre).
Parents d'élèves, acteurs du mouvement
Les parents d'élèves sont partie prenante du mouvement de désobéissance pédagogique. Ainsi, le blog «une école pour Victor et Hugo» joue le rôle de comité de soutien de l'enseignant Bastien Cazals. (La pétition de soutien mise en ligne mercredi 10 décembre recueille ce vendredi près de 1500 signatures.)
Devenu un des hérauts de cette résistance, Bastien Cazals s’est adressé hier à ses collègues enseignants: «Cette sanction ne doit pas vous faire renoncer à vous impliquer dans une démarche similaire, sachant que vous avez différentes possibilités de détourner l'aide personnalisée sans, pour autant, vous exposer aux mêmes sanctions (par exemple, prise en charge de tous les enfants ou refus de tous les parents...)»
Plus discrets, les syndicats
Un brin embarassé par cette forme d'action individuelle, le Sgen-CFDT a tardé à se prononcer sur le sujet, avant ce communiqué daté de jeudi: «Alors que le ministre de l’Éducation refuse tout dialogue sur la question de l’école, et que sa politique ne vise que la suppression de postes budgétaires, le Sgen-CFDT ne peut accepter de telles sanctions et demande la levée des retraits de salaire pris à l’égard de B. Cazals.»